Vice-Président de l’UNFP, Président de FIFPRO Europe et membre du board de la FIFPRO Monde, David Terrier a aussi un CV de joueur bien rempli. Révélé par Metz en Ligue 1, le natif de Verdun s’est expatrié en Angleterre avant de revenir en France, à Nice puis à Ajaccio. Mais c’est du côté de Créteil, en Ligue 2, que le milieu de terrain a choisi de terminer sa carrière. A l’USCL, il a tout connu. Entretien avec l’un des hommes forts du football français.
Esprit Bélier : David, avant de rejoindre l’UNFP, vous avez arpenté les terrains de Ligue 1, puis de Ligue 2. Quel souvenir gardez-vous de votre passage à Créteil ?
David Terrier : J’ai rejoint Créteil après quelques saisons à Ajaccio, en Ligue 1. Il me restait un an de contrat, mais on ne me garantissait pas suffisamment de temps de jeu. Parallèlement, je commençais à penser à ma reconversion. Mon épouse s’était lancée dans le commerce, à Metz, et je souhaitais me rapprocher d’elle. Stéphane Porato, un ancien joueur de Créteil, m’a alors présenté le Président Lopes. Le courant est passé et je me suis engagé pour deux saisons. J’ai donc quitté la Ligue 1 et un cadre de vie paradisiaque pour la région parisienne et la Ligue 2. C’était un gros changement de vie, mais j’ai été agréablement surpris par la qualité des infrastructures et notamment des terrains. J’ai le souvenir d’un Groupe qui vivait bien avec de jeunes talents et des footballeurs expérimentés. L’équipe était joueuse. Hubert Velud aimait le football offensif et nous laissait une certaine autonomie. Après mon passage à Ajaccio et une lutte acharnée pour le maintien en Ligue 1, cela m’a fait du bien. J’ai pris beaucoup de plaisir à évoluer aux côtés de Trivino, Amirèche, Grégori, Blondeau, Ekobo, M’bodji, Boulebda, Aubanel, Sessegnon ou encore Pataca. Chaque jour, avec quelques joueurs, nous avions pris l’habitude de prendre le café ou de déjeuner avec le personnel de la Ville et du stade. Il y avait une bonne ambiance et, sportivement, cela se passait bien. Je garde un très bon souvenir de cet esprit familial.
EB : Votre deuxième saison à Créteil marque aussi la fin de votre carrière de joueur…
DT : Effectivement, lors de ma première saison au club, en 2005/2006, nous avons longtemps été dans le haut du tableau sans parvenir à accéder à la Ligue 1. Cela aurait été un exploit incroyable. Cette dynamique a créé de l’ambition chez les dirigeants qui rêvaient d’une montée. Lors de la trêve estivale, l’effectif a été largement remanié. Trop largement sans doute…Hubert Velud a été remplacé par Albert Rust, mais la mayonnaise a eu du mal à prendre. Albert Rust a rapidement été remplacé par Olivier Frapolli puis Arthur Jorge, l’ancien entraineur du PSG. Au final, la saison s’est terminée par une relégation qui a marqué la fin de ma carrière. J’étais encore sous contrat, mais j’avais 34 ans et j’avais connu pas mal de blessures cette saison. J’ai préféré me consacrer à ma reconversion, avec mon épouse, à Metz.
EB : Vous êtes justement un modèle de reconversion pour les joueurs. Comment s’est construit ce parcours atypique ?
DT : Pendant mon parcours de joueur, j’ai connu une année de chômage. C’est à ce moment que j’ai rencontré ma femme. Elle travaillait en Suisse et ses parents avaient des magasins de montres à Metz. J’ai finalement rechaussé les crampons à Ajaccio et ma femme a quitté son travail pour me rejoindre. Au bout d’un an, elle a souhaité retrouver une activité en reprenant les boutiques de ses parents. Nous avions convenu que je l’épaulerai après ma carrière de joueur. Lorsque j’ai quitté Créteil, c’est ce que j’ai fait. J’ai appris pas mal de choses sur les montres et le métier me plaisait. Parallèlement, j’avais toujours été adhérant de l’UNFP en tant que joueur. A Nice et à Ajaccio, je suis devenu le référant du club, en relation notamment avec Philippe Fluckinger que je connaissais bien. Ce rôle m’a progressivement conduit à intégrer le comité directeur de l’UNFP, avant de devenir Secrétaire Général, tout en étant joueur. Lorsque j’ai arrêté ma carrière, Sylvain Kastendeuch m’a proposé d’aller plus loin avec l’Union. Mon projet de reconversion avec ma femme m’a fait réfléchir un moment, mais j’ai finalement accepté un poste de délégué régional. Je n’ai plus quitté l’UNFP depuis. Je suis Vice-Président depuis 7 ans et j’ai repris le mandat FIFPRO de Philippe Piat il y a trois ans. En mars 2023, j’ai été élu Président de FIFPRO Europe, ce qui me permet de représenter les syndicats de joueurs européens auprès de l’UEFA.
EB : Quelles sont aujourd’hui les principales missions de l’UNFP ?
DT : Les missions de l’UNFP sont variées, mais elles ont été recentrées. Les services commerciaux, comme l’assurance et les services financiers, ont été arrêtés il y a environ trois ans. Les actions sociétales se poursuivent, mais de manière plus mesurée. Nous nous concentrons désormais sur la défense des droits et intérêts des joueurs. Il s’agit de négocier les articles de la convention collective et d’être aux côtés des footballeurs pour les soutenir et les défendre. Nous avons notamment interpellé le procureur de la République concernant les pratiques de mise à l’écart de joueurs. Nous avons demandé qu’une enquête soit menée pour donner une dimension pénale à ces dérives. L’actualité concerne également la surcharge des calendriers que nous dénonçons auprès de l’UEFA et de la FIFA. Le rythme n’est plus tenable pour les joueurs et il appauvrit les championnats domestiques. Nous nous occupons également de développer notre service de formation/reconversion (ESR). Nous nous battons enfin pour que les joueuses aient une convention collective similaire aux garçons. Ce sont deux sujets importants parmi d’autres.
EB : Parmi les autres points justement, il y a les questions de droit à l’image dont on parle beaucoup en ce moment, notamment au sujet des albums Panini…
DT : Le problème est soulevé par quelques footballeurs. Pour faire simple, le club qui signe un contrat avec un joueur peut utiliser son image de manière collective. Cela doit concerner simultanément au moins 5 joueurs. S’il y a moins de 5 joueurs, il faut contractualiser avec chaque individu. On est dans le droit individuel. Lorsqu’il y a plusieurs joueurs de plusieurs clubs, on est dans le « droit d’image collectif associé ». Le propriétaire des droits est alors l’UNFP. Ce droit est rarement utilisé. C’est le cas avec Panini et autrefois avec Topps, un concurrent. Lorsque Panini s’est créé, l’UNFP a proposé de profiter de sa proximité avec les joueurs pour faire le tour des clubs et obtenir les fameux clichés. Personne ne le sait, mais c’est comme cela que les premiers albums Panini ont été édités en France. Ce « droit collectif associé » existe depuis et est inscrit dans l’article 280 de notre charte. Il permet de financier le service juridique, les stages de joueurs sans contrat etc. Si demain ce droit venait à disparaitre, cela limiterait notre capacité d’action sans faire gagner plus d’argent aux joueurs. Aujourd’hui, c’est surtout une démarche d’avocats qui cherchent à challenger un mode de fonctionnement.
EB : En tant que Vice-Président, en quoi consiste votre quotidien ?
DT : Mon rôle est d’abord d’être à l’écoute de tous nos délégués régionaux qui sont sur le terrain et portent la voix des joueurs au quotidien. J’essaie de rencontrer les footballeurs dès que je peux pour prendre la température et identifier leurs sujets de préoccupation. A travers ces rencontres, j’essaie aussi de mettre en lumière notre vision et nos actions. Je siège au Conseil d’administration de la Ligue. Je participe à la commission paritaire de la LFP pour faire évoluer la convention collective. Dans la dimension européenne, les enjeux sont les mêmes, mais auprès de l’UEFA. Nous essayons de faire évoluer le statut du joueur et, pour cela, nous pouvons aller devant la commission européenne.
EB : Tout cela concerne principalement les joueurs professionnels. On est loin des problématiques des clubs de National 2, comme c’est le cas à Créteil, n’est-ce pas ?
DT : Oui et non. Nous sommes également amenés à soutenir les joueurs qui évoluent dans ces championnats. Beaucoup d’anciens joueurs sous contrat professionnel évoluent en National 2 ou en dessous. Nous sommes également amenés à soutenir les footballeurs qui sont sous statut fédéral. Cette dimension est moins visible et ce statut est moins favorable que celui de joueur professionnel, mais certains de nos collaborateurs travaillent sur le sujet. C’est notamment le cas de Fabien Safanjon, l’autre Vice-Président.
EB : Où en est-on de la réflexion concernant la professionnalisation du championnat National ?
DT : Certains Présidents nous ont interpellés sur ce sujet. La Ligue s’était engagée à porter le projet dans le cadre de la reconfiguration des championnats, mais sans budget dédié. Le résultat concernant les droits TV va peut-être débloquer la situation. S’ils sont élevés, il y aura peut-être des opportunités de redistribution. Mais l’arrivée de CVC* en France risque de capter une partie de la valeur…
EB : Que peut-on vous souhaiter pour la suite de votre parcours ?
DT : Nous sommes dans un système qui rend les joueurs égoïstes. J’aimerais qu’ils se rendent compte de leur force collective. Ils ont tout intérêt à travailleur ensemble pour défendre leurs droits et intérêts. J’aimerais faire de l’UNFP le catalyseur de ce mouvement collectif. C’est le cas sur le plan de la représentativité, mais il faut aller plus loin en termes d’activisme. Pour atteindre cet objectif, il faut continuer à travailler et resserrer encore les liens avec les joueurs. Ils sont dans la lumière, nous devons travailler dans l’ombre. Pour défendre efficacement les intérêts des joueurs, il faut qu’ils nous cautionnent et nous soutiennent. Nous travaillons pour eux, pas pour nous. Le pouvoir des joueurs doit être mieux utilisé.
* La LFP a conclu un « accord d’engagement ferme d’investissement » avec le fonds d’investissement CVC : 1,5 milliard d’euros contre 13,04 % des parts de LFP Media. En échange de cet investissement, CVC percevra chaque année 13,04 % de l’ensemble des revenus générés par la société commerciale et pas seulement les droits télévisuels des Ligue 1 et Ligue 2 en cours de négociation.