Meilleur buteur du championnat et co-leader du National avec l’US Créteil-Lusitanos à la trêve, Mathieu Duhamel rayonne c’est vrai, mais il ne veut pas s’en contenter. Cet éternel insatisfait puise sa motivation dans un parcours personnel qui n’a pas toujours été rose mais qui lui a permis de se forger un caractère bien trempé.
Mathieu commence le football au club du Petit-Quevilly et intègre l’INF Clairefontaine à l’âge de 13 ans. L’expérience ne dure que deux ans car il s’ennuie de ses parents. Il rejoint ensuite le FC Rouen avec qui il joue en moins de 15 puis en moins de 17 ans Nationaux, mais là, « (il) galère un peu. Ma croissance a démarré tardivement et, à cet âge, ça fait beaucoup de différence. » Il revient donc au Petit-Quevilly où il travaille la puissance musculaire de ses cuisses sur les conseils de son père. Il intègre l’équipe de CFA, mais le vit mal. « Le coach me faisait jouer arrière gauche et me mettait une pression énorme. Il me rabaissait sans arrêt alors que je n’avais pas encore 18 ans et que je ne jouais pas à mon poste ». Il en perd presque son amour du football : « à ma place beaucoup auraient arrêté ». Mais heureusement l’arrivée d’un nouvel entraîneur est un déclic. : « J’ai pu jouer à un poste plus offensif et me montrer. C’est là que Rouen m’a recruté. »
L’envol, puis le plomb dans le dos
Au début il doit « chauffer le banc » mais une blessure lui donne la chance de montrer ce qu’il sait faire. Il inscrit 14 buts en CFA avec le FCR et les portes s’ouvrent. Celles d’Estrela Amadora (L1 portugaise) ou Vannes « mais c’est vers Romorantin que mon agent m’a orienté. Je ne connaissais pas bien le milieu du foot et j’ai compris plus tard que ce qui l’avait intéressé dans ce club c’était avant tout sa commission… » Mais il ne regrette rien, « c’est le destin ». A Romorantin, il découvre un contexte particulier. « J’étais un peu coupé du monde, seul, sans ma copine dans un club où les dirigeants et beaucoup de joueurs en fin de carrière privilégiaient plutôt l’ambiance familiale que les résultats ». En tant que compétiteur, il se sent « à l’écart » et avoue que « dans la tête ça n’allait pas trop » malgré ses performances sur le terrain. Il se « donne à fond » et Romorantin en profite. Trop même. « Pendant 8 mois, j’ai joué blessé, sous infiltration. A la fin je ne m’entraînais même plus, je ne venais que pour le match ». Les douleurs devenues insupportables, on lui fait finalement passer une IRM qui révèle un œdème. Il est contraint de suivre la relégation de son club cloué au lit. « Romorantin m’en a certainement voulu » car ils collent à leur meilleur buteur (11 buts) une étiquette d’individualiste lorsque des recruteurs viennent se renseigner à son sujet. « Je m’attendais à un autre remerciement pour tous les risques que j’ai pris en jouant blessé… »
Aimé puis détesté
Recruté par Laval qui cherche « un attaquant qui n’a pas peur d’aller tout seul au combat devant, un joueur de caractère pour gagner des matches à l’extérieur », il fait le bonheur de son nouveau club. Il devient le buteur-maison malgré un système qui ne lui convient pas « je jouais trop comme un point d’appui ». Grâce à ses 11 buts, Laval accède à la Ligue 2 mais choisit de ne pas le conserver. « Le Président et les recruteurs voulaient me garder, mais l’entraîneur a préféré se séparer de moi ». Le motif invoqué par ce dernier est précisément celui qui l’avait conduit à l’enrôler : son caractère. Incompréhensible. Il apprendra par la suite que son débarquement a permis à son ex-entraîneur de faire venir son joueur fétiche.
Mais qui es-tu Mathieu…
Décrié par ses deux derniers clubs pour ses attitudes, Mathieu Duhamel a-t-il si mauvais caractère que ça ? Richard Trivino et Yohan Betsch vous répondront qu’ « il a beaucoup de caractère » et le principal intéressé vous dira : « Je suis un insatisfait de nature. J’en veux toujours plus, c’est ma façon d’être ». Ce qui frappe avant tout, c’est son insolente réussite devant les buts. Avec près d’un but par match, il se décrit comme un joueur instinctif. « J’ai la chance d’avoir un entraîneur qui me fait confiance et qui me fait jouer comme j’aime, alors je ne me pose pas de question ! ». Et celui que certains taxent d’individualisme n’oublie pas d’inclure ses partenaires dans sa réussite « ils font tout pour me donner les meilleurs ballons » et n’est pas avare en compliments non plus. « Helder a une mentalité de gagneur que j’aime. Physiquement, il bosse énormément sur le terrain alors que les joueurs expérimentés se contentent généralement de leur technique. Farid a beaucoup de qualités et Yohan a une vision de jeu extraordinaire. Ils voient que je me défonce devant, alors ils font tout pour me donner les meilleurs ballons. Sans eux je ne serai rien. »
…et jusqu’où iras-tu ?
« A chaque saison qui commence, je veux faire mieux que la saison précédente !». En tête du classement des buteurs, son ratio renvoie inévitablement vers le record de son coéquipier Helder Esteves en CFA. « Helder a marqué 40 buts, et Grégory Thill 32 en National. Pourquoi je ne pourrais pas m’approcher de ces records ?! » Pour ce faire, l’attaquant se fixe « des objectifs intermédiaires pour être le plus régulier possible ». Avec une telle force de frappe, l’USCL serait inarrêtable, Mathieu Duhamel en convient aisément même si pour lui son équipe n’aurait pas besoin d’autant. « Si on joue notre jeu et qu’on ne s’enflamme pas, il ne peut rien nous arriver. Nous avons été capables de mettre plusieurs raclées et à dix nous avons tenu contre Troyes qui a mis des roustes à tout le monde. Personnellement, je suis persuadé qu’on peut finir dans les trois premiers. » De quoi assouvir à la fois son envie d’évoluer en Ligue 2 et de continuer à briller pour l’US Créteil-Lusitanos qui a choisi de rester sourde aux détracteurs de Duhamel pour accorder sa confiance à Mathieu.
Photo AFR José Lopes